QG du Fan Club de Diabou
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
QG du Fan Club de Diabou

Zone de douce folie
 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon : la prochaine extension Pokémon sera EV6.5 Fable ...
Voir le deal

 

 La Dernière Page

Aller en bas 
AuteurMessage
Paprika
Chnibidi Nouch'
Paprika


Nombre de messages : 349
Où je traîne : Derrière toi.
Date d'inscription : 15/10/2005

La Dernière Page Empty
MessageSujet: La Dernière Page   La Dernière Page EmptyDim 30 Oct - 0:05

Nous approchions, cela se sentait. L’air se faisait plus chaud, plus lourd, et on entendait un bruit incessant, au loin, de plus en plus fort. Le voyage commençait à devenir long, même si nous n’étions partis que depuis ce matin. Mais nous n’étions pas soulagés pour autant d’arriver. Je ne saurais dire combien nous étions dans ce camion, mais sûrement un nombre incalculable. Et dire que huit camions comme le nôtre arrivaient chaque jour dans cet endroit. Endroit que nous avions fini par baptiser « La Bête ». Ce voyage fut vraiment le plus atroce de toute ma vie. C’était prévisible. Je n’allais pas prendre du plaisir à effectuer mon aller simple vers la mort. Mais mon imagination, bien que plutôt développée, ne l’était pas assez pour se représenter ce que je vivais à présent. Nous étions empilés, par centaines, les uns sur les autres. De tous côtés, des dos déchirés, des volumes torturés, et pourtant si jeunes. Je faisait partie des plus résistants. Sûrement parce que la vie, depuis toujours, n’avait pas été des plus faciles avec moi. Et aussi parce que cela faisait maintenant plus d’un an que l’idée de finir ainsi me trottait dans la tête. J’avais peut être fini par m’y faire.

J’eus pendant ce voyage le temps d’observer ceux qui m’entouraient. J’aime observer le comportement des autres, même pendant des moments aussi terribles. Peut-être pour m’empêcher de réfléchir. Je remarquais tout d’abord les prétentieux, sur-médiatisés, ou devenus trop fameux. Leur question incessante était toujours la même : « Mais comment ai-je pu finir ici ? Moi ? Est-ce que je ressemble vraiment à tous ceux qui m’entourent ? ». Malheureusement, dans des cas comme celui-ci, il ne s’agit plus de ce que l’on est vraiment, mais de ce que l’on pense de nous. Notre avenir dépend uniquement de l’avis des gens à notre propos. Mais apparemment, nos chers prétentieux voyaient cela sous un angle différent. Je les baptisais inconsciemment les Grognards. Une vieille habitude qui j’avais prise, qui consiste à surnommer tout ce que je ne peux nommer précisément. Les Grognards se plaignaient continuellement. On aurait dit qu’ils ne ressentaient aucune tristesse à l’idée de quitter ce monde aussi rapidement. Seulement du dégoût de savoir qu’ils le quitteraient de cette façon. Leur principale occupation, après se lamenter, consistait à recracher tout leur énervement sur les autres. En particulier sur ceux que j’avais rapidement baptisé les Résignés. Ceux-là se faisaient plutôt discrets, la plupart pleuraient en silence, laissant échapper un sanglot de temps à autre. D’autres semblaient totalement ailleurs, ils fixaient quelque chose qu’ils ne pouvaient voir, ils tremblaient même parfois. Et lorsqu’un Grognard s’en prenait à eux, ils ne semblaient avoir plus qu’une envie, disparaître sous terre.

L’humeur n’était pas aux bavardages, et le camion était plutôt silencieux. Il s’arrêta, comme il le faisait de temps en temps, ce qui déclencha quelques remarques des Grognards. Mais cet arrêt fut plus long que les autres. Et les reproches cessèrent rapidement. La fin du voyage était arrivée, et tout le monde le sentait. Nous attendions dans la crainte, mais aussi dans la hâte que tout cela finisse. La hâte de savoir ce qu’il y aurait après. Après la mort.

Nous étions immobile depuis un moment déjà quand il se remit à bouger. Il ne nous parvenait aucune lumière, et nous n’avions aucune idée de l’heure qu’il pouvait être. Mais tout à coup, une porte s’ouvrit, et nous pûmes apercevoir un ciel noir de fumée. Nous fûmes déchargés violemment, sans aucun soin, ni aucun respect, et nous fûmes transportés jusqu’une autre salle. En chemin, une fenêtre nous laissa entrevoir la source de nos crainte : « La Bête ». Quand j’étais plus jeune, bien que je ne sois pas très vieux, les anciens nous parlaient de cet endroit comme d’un enfer sur terre. Enfer où finirait notre vie si nous n’étions pas à la hauteur. Si nous ne réussissions pas à satisfaire. Les histoires que l’on nous racontait étaient toutes plus effrayantes les unes que les autres. Et pourtant le récit n’était jamais très précis. Personne ne pouvait nous parler d’une expérience vécue, puisque personne qui y était allé n’en était jamais revenu. Tout ce que je me rappelais aujourd’hui de ces histoires, c’est que lors de votre arrivée, on sélectionne sur vous ce qui est susceptible de resservir. Cela part dans une direction, et sera revendu, sous une autre forme. Vous, vous partez généralement dans l’autre direction. Et là, personne ne sait ce qui vous arrive. Mais à en juger par la fumée crachée par la cheminée que l’on pouvait apercevoir, c’est comme cela que nous allons finir. En cendres.

Nous arrivâmes en peu de temps dans une pièce fermée, appelée « salle de tri ». Et en effet, nous fûmes triés par catégorie. Mais je ne me souciais plus de ce qui se passait autour de moi. On dit souvent que juste avant votre mort vous reviennent en mémoire les grands moments de votre vie. C’est ce qu’il m’arrivais, bien que ma vie ne se résuma pas à grand chose. Je me revis, lors de ma première sortie, profitant du soleil durant des journées entières. Le soir, je bavardais avec mes voisins pendant des heures, jusqu’à ce que le sommeil nous prenne. Alors nous remettions nos conversations au lendemain. Des conversations à propos de tout et de rien, de ce que nous voyions, de ce que nous entendions, ou encore de ce que nous savions – bien que cela soit plus difficile, car nous ne savions que ce que l’on avait bien voulu nous apprendre, ce qui se limitait généralement à un seul sujet, mais que nous connaissions parfaitement. Nos journées se passaient ainsi, nous regardions les gens défiler devant nous, nous nous amusions à les critiquer, ou à imaginer qui ils pouvaient bien être. Nous ne ressentions en aucun cas le besoin de changer d’endroit, comme la plupart des anciens. Ceux-ci réclamaient à longueur de journée une nouvelle maison, une nouvelle vie. Nous, les jeunes comme on nous appelait, étions contents quand nous avions du soleil, source de chaleur. Bien sur, à force, il nous fatigue, mais il est tellement agréable de sentir ses rayons pénétrer au plus profond de nous même pour nous donner la chaleur nécessaire. Et du soleil, en ce temps là, nous en avions. Nous étions toujours sur le devant, bien en vue, alors forcément, personne pour bloquer les rayons tant attendus. Cette période de ma vie fut vraiment la plus agréable. Elle dura jusqu’au jour où un besoin de changement se fit ressentir. Pour nous, jeunes apprentis sur le chemin de la vie, le temps tournait. Notre période d’essai était maintenant terminée, et nous devions faire nos preuves. Où bien se serait « Le Stix ». Notre attitude changea. Lorsque quelqu’un passait devant nous, nous ne rigolions plus, et nous tentions de tout faire pour l’intéresser. Il fallait qu’il nous remarque. Nous n’avions plus d’autres instants tranquilles que les moments où ils nous touchaient, nous observaient. Mais ce moment se finissait toujours de la même manière. Ils allaient voir ailleurs. Et nous restions là, à attendre le prochain. C’est comme cela que je me suis retrouvé ici. Je n’ai pas su me démarquer, faire mes preuves. Et maintenant, me voilà dans la salle de tri de « La Bête ».

Après cette salle, tout alla très vite. On nous regroupa, et on nous amena en direction de la salle finale. Le trajet fut assez long, mais j’avais perdu toute notion du temps. Nous arrivâmes dans un immense couloir, se terminant par une énorme porte en fer. La voir se rapprocher aussi doucement, et en même temps si rapidement m’étais insupportable, et je préférais fermer les yeux. Mais lorsque je les rouvris, je fus pris d’un sentiment étrange. Une envie d’en finir, rapidement, et de ne plus attendre cette mort lente et douloureuse. La grande porte s’ouvrit, et on nous poussa à l’intérieur. Du moins on poussa ce qu’il restait de nous. Nous n’étions plus que des loques. Là encore, nous nous retrouvâmes entassés, coincés les uns contre les autres. Nous étions tous horrifiés. La grande porte se referma en grinçant, et un silence insupportable retomba sur la pièce. La chaleur montait rapidement, le feu gagnait du terrain, les premiers étaient déjà à l’agonie. Je refusais de voir tout cela, et fermais à nouveau les yeux. Ma dernière image et celle de mon auteur, assis à sa table de bureau, les lunettes sur les yeux, en train de nous contempler, nous, ses chefs d’œuvres. Et je sentis mes pages partir en fumée, emportant avec elle toute mon histoire, que personne n’avait voulu connaître. « La Bête », appelée aussi « pilon », machine à nous tuer nous autres, livres invendus, avait fini par gagner. Encore une fois.
Revenir en haut Aller en bas
http://mnem0syne.skyblog.com
 
La Dernière Page
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
QG du Fan Club de Diabou :: Vive Marcel le Coucou ! :: Nuances d'univers-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser