Sa main glisse doucement sur le carreau. Je la vois descendre, laisser une trace sur la vitre propre. Je voudrais lui dire d’arrêter, parce que maman ne va pas être contente.
Elle regarde l’arbre, au fond du jardin. Il nous a donné une pomme hier, la première de l’année. Elle le fixe depuis quarante-sept minutes maintenant. Pourtant il n’est pas spécialement beau. C’est juste un pommier, tout jeune, planté près du mur.
Ses yeux sont comme égarés. Se main blanche a fini par trouver le rebord de la fenêtre, et ses longs doigts y tapotent maintenant quelques notes sourdes. Ses cheveux en désordre cachent un cou droit et fin, qui lui donne le port de tête d’une reine. Je regarde son pied battre la mesure légèrement, comme s’il flottait à côté d’elle.
Elle m’a demandé depuis combien de temps j’étais assis là. Je lui ai dit quarante-neuf minutes maintenant. Elle m’a regardé, longtemps, et elle m’a dit que si je surveillais le pommier, je pourrai peut-être voir une deuxième pomme apparaître.
Et comme après ça elle est partie, j’ai pris sa place, et j’ai surveillé le pommier. Si une pomme pousse, j’irai la cueillir, et je la lui donnerai.